L’Irlande, l’autre Bretagne ?


Après le succès l’an passé de sa conférence sur les chansons et la mer, Frédéric Mallégol nous emmenait cette fois avec son éloquence habituelle à la découverte (ou la redécouverte pour certains) de la Verte Erin en posant la question suivante : « Quelles sont les permanences et les mutations de l’Irlande perçues par la culture populaire (notamment française) depuis 1945 jusqu’à nos jours ? ».

Venues assister à la conférence à l’invitation de PTPR, une cinquantaine de personnes avaient pris place en ce samedi 19 avril dans les confortables fauteuils de l’auditorium du port-musée.

En outre, quoi de mieux pour illustrer musicalement son propos que la musique irlandaise traditionnelle jouée en direct par le quatuor douarneniste DZ Eire, composé de Fañch Hascoët à la harpe (celtique bien évidemment), Annaïg Guillamet au violon, Jean-Pierre Bénard à la vielle à roue et Jakez Guillamet au concertina.

Passant en revue les multiples images d’Épinal associées à l’Irlande au sortir de la guerre, le conférencier a invité le public à prendre place à l’arrière d’un taxi mauve le conduisant dans la modeste chaumière chantée par Bourvil, croisant au passage le « Grand Charles » et tante Yvonne en promenade au bord de l’océan. Dans des paysages d’une beauté sauvage et rude incitant au romantisme, il a croisé le regard charmeur de « l’Homme Tranquille », alias John Wayne et le sourire ultra-brite d’un autre John : JFK. Fort heureusement, il n’a pas connu le sort tragique de Jack, le beau migrant misérable irlandais qui avait pris place à bord du Titanic.

En bon Breton, le participant aurait assurément pu faire sien ce proverbe irlandais : «Le pauvre homme n’a que deux amis : la pomme de terre et le cochon ». Et, justement, comment ne pas évoquer la grande famine de 1845 liée à l’effondrement de la culture de la pomme de terre, aliment de base des Irlandais, en raison d’une terrible épidémie de mildiou. Immense tragédie qui inspira à l’écrivain irlandais indépendantiste Liam O’Flaherty le roman « Famine » paru en France en 1947.

 

 

La transition musicale de Dz Eire est venue fort opportunément apporter une forme de sérénité grâce aux interprétations d’œuvres celtiques comme Inisheer, Ar Eirinn ou encore Eleanor Plunkett du harpiste irlandais aveugle Turlough O’Carolan.

 

 

Dès le début des années 70, la forte identité de l’Irlande est venue s’imposer en France et en Bretagne en particulier, portée elle aussi par la vague du « renouveau de la harpe celtique » d’un certain Alan Cochevelou, plus connu sous le patronyme d’Alan Stivell.

 

Dans l’atmosphère conviviale des pubs irlandais, les Français ont dégusté la fameuse bière brune Guiness et autres breuvages à connotation mais pas forcément d’origine irlandaise. Dans un autre registre, Frédéric Mallégol a expliqué par quel hasard le décor de la célèbre chanson du toujours souriant Michel Sardou « Les lacs du Connemara » s’est retrouvé en Irlande plutôt qu’en Écosse.

 

Hélas ! l’histoire de l’Irlande au XXème siècle n’est pas faite que de recettes folkloriques et d’images joyeuses et festives. Le dramatique « Bloody Sunday » de 1972 est venu rappeler les conséquences de la guerre civile fratricide mettant aux prises catholiques d’Irlande et protestants d’Ulster. Dans une communauté fracturée, seul le rugby a réussi à unifier l’île derrière une seule équipe.

 

Mais la lassitude a fini par avoir raison de la violence et la réconciliation a permis à l’Irlande de retrouver la paix en 1998, signant au tournant des années 2000 le début d’un nouvel essor entre globalisation et forte identité.

 

C’est ainsi qu’est apparu le « Tigre celtique » boosté économiquement par une fiscalité avantageuse symbolisée par l’implantation d’une célèbre marque à la pomme, l’envol d’une compagnie aérienne « low cost » et, pour nous Bretons, la mise en place d’une liaison maritime Roscoff-Cork.

Finalement, entre citrouilles d’Halloween, fête de la Saint Patrick, paysages de carte postale (quand il ne pleut pas), pubs irlandais franchisés (et francisés), Frédéric Mallegol nous a emmenés en voyage dans un pays qui ressemble étrangement à la Bretagne par bien des aspects, y compris climatiques !

Même les rue de Brest se sont mises au diapason
Même les rue de Brest se sont mises au diapason

Le quatuor Dz Eire a, comme il se doit, clôturé la séance en musique, nous faisant entendre les douces mélodies irlandaises égrenées par les tonalités envoûtantes de la harpe, elle-même portée par le souffle bourdonnant de la vielle à roue, le doux chant du violon et la voix étonnamment puissante du concertina.

Trugarez Vraz Frédéric, Fañch, Annaïg, Jean-Pierre et Jakez
Trugarez Vraz Frédéric, Fañch, Annaïg, Jean-Pierre et Jakez

Nota : à toutes celles et ceux qui voudraient prolonger le plaisir, signalons la sortie du CD « Chom da vont » reflet des pérégrinations musicales de Dz Eire en Pays Celtes.